Le conseil municipal de Najac pour « un moratoire » sur la 5G

Les élus ont voté mardi, à une large majorité, un vœu en ce sens. Seuls trois conseillers d’opposition ont voté contre. Sans expliquer pourquoi. Au-delà de la technologie de téléphonie mobile, le débat peut-être élargi à la question du progrès que nous voulons, comme le souligne le député-journaliste François Ruffin.

Le pylône de Puech Moutonnier le 16 avril 2021 (photo : Najac infos)

« Les techniques modèlent nos sociétés, des transports à la culture, de l’alimentation à nos paysages, toute notre vie, tous nos modes de vie, en sont bouleversés. Et pourtant, quand sont-elles débattues collectivement ? Quand font-elles l’objet de discussions publiques, polémiques, conflictuelles si besoin ? Quand passent-elles au filtre de la démocratie ? Jamais. »

Free prévoit d’installer la 5G sur la commune
Cette réflexion de François Ruffin, journaliste et député (Picardie debout), est issue de son dernier livre : Leur progrès et le nôtre – De Prométhée à la 5G (1). Elle a été parfaitement illustrée mardi en conseil municipal de Najac. En effet, une motion demandant « un moratoire sur l’implantation des infrastructures de réseau 5G » était à l’ordre du jour. Elle faisait suite à un courrier de l’opérateur Free, reçu par la commune « début décembre », « qui prévoit d’installer la 5G sur une antenne existante de la commune ».

Il n’a pas été précisé, en conseil, sa localisation. Deux sites existent sur la commune : Le Puech Moutonnier (tout près du stade) et La Lantayrie. En regardant la carte de l’Agence nationale des fréquences, on constate qu’il s’agit du site de La Lantayrie car seul Orange est présent au Puech Moutonnier (2). Le texte a été présenté par Natacha Clouzet (majorité), une brève question de Mathieu Laroussinie (opposition) sur « la position des autres communes sur la 5G » et on est passé au vote. Le tout expédié en moins de 5 minutes (voir le passage du conseil ici, vers 2h19).

“Pas de discussions publiques”
Pourtant un désaccord existait puisque trois conseillers d’opposition ont voté contre la motion : Mathieu Laroussinie, Rémi Mazières et Claude Rabayrol. Mais ils n’ont pas expliqué, en conseil, les raisons de leur vote. Donc, pour l’instant, à Najac comme ailleurs, « pas de discussions publiques » ni de « polémiques, conflictuelles si besoin ».

On ne saura donc pas sur quels aspects de la motion portent le désaccord des élus. Est-ce cette partie ? « La technologie 5G est conçue pour permettre des débits jusqu’à 10 fois supérieurs à la 4G sur les smartphones mais son déploiement en France aboutira très probablement à un effet rebond par la hausse de la consommation de données et d’usage des télécommunications, notamment au travers des objets connectés. Ce qui devrait entraîner une très forte consommation d’énergie et conduire à une augmentation inévitable des émissions de gaz à effet de serre et de la masse de déchets électriques et électroniques. » Est-ce sur l’application d’un moratoire par le gouvernement ? Sur le territoire de la commune de Najac ? On ne sait pas.

Convention citoyenne pour le climat
Le débat aurait pu également porter sur le respect des préconisations de la Convention citoyenne sur le climat, composée de 150 citoyens tirés au sort, qui s’est exprimé à 98 % pour un moratoire sur la 5G (ici p94). Le débat aurait pu encore, comme le fait François Ruffin dans son livre, s’élargir à la notion de progrès, à celui que nous voulons et pourquoi nous le voulons.

On aurait pu discuter des « grands » acteurs du numérique cités dans le livre de François Ruffin. Bill Gates, PDG de Microsoft : « Nous n’avons pas de téléphone à table lorsque nous prenons nos repas. Nous n’avons pas donné de portable à nos enfants avant leurs 14 ans, même quand ils se plaignaient que des camarades en aient déjà. »

“Nous limitons la technologie que nos enfants
ont le droit d’utiliser à la maison”
(Steve Jobs, fondateur d’Apple)

« Steve Jobs : « Alors, vos enfants doivent adorer l’iPad ? » l’interrogeait un journaliste. Que le fondateur d’Apple surprit : « Ils ne l’ont pas utilisé. Nous limitons la technologie que nos enfants ont le droit d’utiliser à la maison. » Et son biographe de raconter : « Chaque soir, Steve insistait pour dîner sur la longue table dans leur cuisine, pour discuter de livres et d’histoire. Jamais personne ne sortait un iPad ou un ordinateur. Les enfants n’avaient pas l’air accros à ces appareils. » »

« Chamath Palihapitiya, un ancien cadre de Facebook, défend à ses enfants de toucher à « cette merde ». D’après lui, les réseaux sociaux « sapent les fondamentaux du comportement des gens. Je pense que nous avons créé des outils qui déchirent le tissu social », juge-t-il, faisant part de « son immense culpabilité ». »

“Trafiquants de cocaïne”
Commentaires de François Ruffin : “Eux font penser à des trafiquants de cocaïne : on en vend, on en vit, mais pas de ça dans ma famille !” Ou encore : “Ils échappent, ou essaient d’échapper, au monde qu’ils fabriquent.”

Sans surprise, le député n’est pas non plus tendre avec Emmanuel Macron, l’incarnation de “leur progrès” : « C’est la chose qui m’effraie le plus, chez lui : il veut des hommes et des femmes qui « fonctionnent », sans perdre de temps, qui est de l’argent.
Alors que l’Humanité, c’est quoi ? C’est de la tendresse, de la colère, de l’espoir, de la perte de temps et du dysfonctionnement. C’est la beauté du grain de sable.
Alors que la Démocratie, c’est quoi ? C’est du bordel aussi, des colères, des espoirs, de la perte de temps et du dysfonctionnement. Ces nuisances, ces aspérités, les new techs vont les lisser, les éloigner avec de la « gouvernance » à distance, nous diriger toujours plus comme des statistiques. »

“Elle se fera parce que”
Et plus spécifiquement, « sur la 5G – puisque tel est notre cas d’école –, que répond le pouvoir ? Rien.
C’est le silence.
Elle se fera parce qu’elle doit se faire.
Parce que c’est la concurrence.
Parce que c’est la course.
Parce que c’est l’innovation.
Elle se fera parce que. »

Ou encore : « Quelle réponse à cet absurde qu’on pressent, à ce sens perdu, c’est donc ça, pour vous, le progrès ? de diminuer d’une fraction de seconde les « temps de latence » ? Progrès minable, progrès insignifiant, quand tout, tout, tout reste à faire, pour les hommes, pour les femmes, pour les animaux, pour une planète vivable ?

“Est-ce le bonheur au bout qui est recherché ?”
Quelle réponse sur la fin, sur le but poursuivi, à quoi nous mène cette « course », ce « retard » à ne pas prendre, cette « accélération » à toujours accélérer ? Est-ce le bonheur au bout qui est recherché, le bien commun ? Ou au contraire, est-ce une course folle, à la folie, qui nous conduit au néant, à notre anéantissement ? »

Certains parlent d’attractivité pour Najac, de télémédecine, de télétravail. On pourrait leur opposer cette autre phrase du livre : « Quand on n’a qu’un marteau, dit le proverbe, on voit tous les problèmes sous forme de clous. Quand on est la start-up Nation, on voit toutes les solutions sous forme de « numérique ». »

La technologie est loin d’être absente de Najac
Il manque des médecins ? Faisons de la télémédecine. Najac n’est pas assez attractif ? Son attractivité passera par « la technologie ». Najac n’a pas assez d’emplois ? Faisons du télétravail. Et si on cherchait à augmenter le nombre de médecins ? Et si l’attractivité et l’emploi passait par l’humain plutôt que par la technologie ? Sans compter que la technologie est loin d’être absente de Najac : 4G, DSL (98 % des foyers couverts, 31 % en vDSL (très haut débit), ici), bientôt la fibre optique (voir ici).

Alors que faire ?  François Ruffin : « Prendre le temps, retrouver le temps, se donner le temps : c’est l’autre fil du progrès qu’il nous faut renouer. Nous devons sortir nos vies, des parcelles de nos vies, d’une emprise de la marchandise, à fabriquer, à acheter. C’est un impératif écologique, mais aussi humaniste : le tourbillon du « Produire plus, pour consommer plus, pour produire plus, pour consommer plus » mène les hommes à l’usure, et la planète droit dans le mur. »

« Se donner le temps ». Sous la forme d’un moratoire ?

[Mise à jour le 17 avril à 15h45 : avec la localisation de l’antenne Free concernée, l’information sur l’antenne de La Fouillade et le changement de lien vers le site de cartographie des antennes (ANFR au lieu de antennesmobiles.fr).]
[Màj le 26 juin à 23h45 : Benjamin Ménétrier a signalé à Najac infos que l’antenne 5G de Free à Najac comme à La Fouillade émet sur la bande des 700 MHz (voir ici), la même que celle utilisée pour la 4G. Au-delà de l’aspect technique, il faut comprendre que ce choix implique une meilleure couverture mais un débit moindre que lors de l’utilisation de la fréquence 3,5 MHz. Une 5G qualifiée de “low cost” par Europe 1. Lire ici pour plus de détails sur les stratégies des opérateurs. La bonne nouvelle est que les risques pour la santé pourraient – pourraient – être moindres (lire ici).]

Lire aussi : Bill Gates, Steve Jobs… Quand les patrons de la Silicon Valley interdisent les écrans à leurs enfants

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(1) Seuil, avril 2021, 176 pages, 12 €. Plus de détails sur le livre ici. On peut aussi voir sa vidéo consacré au livre. En particulier la partie savoureuse consacrée au discours d’Emmanuel Macron du 14 septembre 2020, prononcé devant les “acteurs du numériques”.
(2) Plus d’informations sur les antennes, leurs localisations, les opérateurs, etc. : ici. À noter que l’antenne Free de La Fouillade est également passé en 5G selon les informations de la carte.

Aides aux entreprises

de la Com-com : plus de détails

Après la publication de l’aide de 16 999 € obtenue par la boulangerie Delmur, Najac infos approfondit le dispositif mis en place par Ouest Aveyron communauté. Qui ne concerne ni tous les projets ni toutes les entreprises.

Voté le 25 octobre 2018 par ce qui s’appelait encore la Communauté de communes du Grand Villefranchois, le « dispositif d’aide à l’investissement immobilier des entreprises » est toujours d’actualité à l’heure de Ouest Aveyron communauté. Il est décrit dans le « règlement d’intervention » du dispositif que publie Najac infos. Il permet à une entreprise du territoire de la Com-com d’obtenir jusqu’à 100 000 € de la collectivité pour un investissement minimum de 40 000 € hors taxe. L’aide octroyée le 28 janvier à la boulangerie Delmur, évoquée sur la page facebook de Najac infos le 16 février, entre dans ce cadre.

Secteurs prioritaires et exclus
Toutes les tailles d’entreprises sont concernées même si les grandes ne le sont qu’à « titre exceptionnel ». Certains secteurs sont définis comme prioritaires. Par exemple le « secteur agroalimentaire et viticole, hors exploitation agricole, CUMA et SCI ». D’autres sont exclus comme les professions libérales, les « sociétés de commerce (hors commerce de proximité répondant à des besoins de première nécessité de la population en milieu rural et situés dans des communes de moins de 3 000 habitants) », les activités liées à l’agriculture, les sociétés civiles immobilières.

Critères d’octroi
Les dépenses éligibles concernent quant à elles uniquement les « investissement à l’immobilier » : acquisition, construction, extension, réhabilitation ou modernisation de bâtiments. Sur les critères d’octroi, on peut notamment relever le « maintien et / ou création d’emplois et nature des emplois », l’« appréciation du projet au regard des principes de développement durable ».

En contrepartie, « l’entreprise bénéficiaire de l’aide s’engage vis-à-vis de la collectivité à maintenir sur le territoire de la Communauté de communes l’investissement aidé pendant une durée minimum de 3 ans à compter de la date de fin de l’opération » et « à maintenir les emplois générés et maintenus par les investissements aidés dans les mêmes conditions que l’investissement ».

Plus d’informations et de détails dans le règlement d’intervention de l’aide à l’investissement immobilier des entreprises voté le 25 octobre 2018. Et auprès du service développement économique de Ouest Aveyron communauté.